Mont Saint-Michel

Le Mont-Saint-Michel

HISTOIRE DE L’ABBAYE
À l’origine, il était connu sous l’appellation de mont Tombe. Il devait s’y trouver une pierre ou un monument mégalithique destiné à un culte païen, qui sera vraisemblablement remplacé par un premier oratoire en l’honneur de l’archange saint Michel à partir de 709. À partir de l’an 710 et pendant tout le Moyen Âge, il fut couramment surnommé par les clercs « mont Saint-Michel au péril de la mer » (Mons Sancti Michaeli in periculo mari).Le Mont était rattaché depuis la formation des circonscriptions ecclésiastiques au diocèse d’Avranches, en Neustrie, ce qui reflétait vraisemblablement une situation antérieure, c’est-à-dire l’appartenance du Mont au territoire des Abrincates, membres de la confédération armoricaine, sur lequel va se plaquer le cadre administratif romain, puis le cadre religieux chrétien, conformément à un processus observé ailleurs dans la future Normandie et au-delà.En 867, le traité de Compiègne attribua le Cotentin, ainsi que l’Avranchin (bien que ça ne soit pas clairement stipulé), au roi de BretagneSalomon. L’Avranchin, tout comme le Cotentin ne faisaient donc pas partie du territoire normand concédé au chef viking Rollon en 911 – le mont Saint-Michel restait breton, bien que toujours attaché au diocèse d’Avranches, lui-même dans l’antique province ecclésiastique de Rouen, dont la ville principale était aussi devenue capitale de la nouvelle Normandie. Il l’était encore en 933 lorsque Guillaume Ier de Normandie récupéra l’Avranchin, dont la frontière politique se fixa transitoirement à la Sélune, fleuve côtier qui se jetait à l’est du Mont.

Des Bénédictins issus des abbayes de Saint-Taurin d’Évreux, et de Saint-Wandrille s’y établissent en 966, selon le souhait du duc de Normandie Richard II. L’église préromane est construite à cette même période.

Seront inhumés dans la chapelle Saint-Martin de l’abbaye les ducs de Bretagne, de la maison de Rennes :

  • Conan I le Tort (+992), qui, lors de la confirmation d’une donation faite à l’abbaye du Mont-Saint-Michel, le 28 juillet 990 en présence de l’ensemble des évêques de Bretagne, prend le titre de Princeps Britannorum;
  • Geoffroy I Béranger (+1008), époux d’Havoise de Normandie, grand bienfaiteur de l’abbaye en donnant les revenus de Saint-Méloir-des-Ondeset Saint-Benoît-des-Ondes.

En 1009, le duc de Normandie décide d’exercer un contrôle direct sur l’abbaye du Mont-Saint-Michel et l’abbé Maynard Ier, issu de la communauté de Saint-Wandrille, est évincé et doit se replier à l’abbaye Saint-Sauveur de Redon pour être remplacé par l’abbé Hildebert Ier, préféré par Richard II.

Profitant de la Régence d’Havoise de Normandie, sa sœur, sur la Bretagne et de l’agression du chef viking Olaf sur Dol-de-Bretagne en 1014, le duc Richard II de Normandie repousse vers 1027-1030 la frontière avec la Bretagne de la Sélune au Couesnon.

En 1030, Alain III de Bretagne, roi ou duc de Bretagne, entre en conflit avec son cousin, le duc Robert Ier de Normandie fils de Richard, qui lance une expédition en Bretagne. Alain riposte en pénêtrant dans l’Avranchin mais il est repoussé avec de lourdes pertes. Leur oncle Robert le Danois, archevêque de Rouen, sert de médiateur lors d’une entrevue au Mont-Saint-Michel. En 1031, Alain et son frère Eon de Penthièvre font une donation au Mont-Saint-Michel.

L’histoire et la légende se brouillent à cette date. Les textes de l’époque ne précisent pas le sort du mont Saint-Michel, mais son rattachement à la Normandie est attesté quelques décennies plus tard, et il est déjà effectif depuis longtemps lorsque les Bretons de Guy de Thouars incendient le Mont en avril 1204.

Or, une légende affirme que le Couesnon, lors d’une de ses fréquentes divagations, se serait mis à déboucher à l’ouest du Mont, faisant ainsi passer ce dernier en Normandie[réf. nécessaire]. Si cette légende est exacte, le Mont aurait été situé à l’ouest du Couesnon en 1009 et la divagation du Couesnon se situerait quelques décennies plus tard. Si elle est fausse, le Couesnon se jetait déjà à l’ouest du mont Saint-Michel en 1009.

Quoi qu’il en soit, le Mont-Saint-Michel aura été breton de 867 à 1009, de manière géopolitique, sans jamais avoir été intégré à l’archidiocèse de Dol, de même, la fondation d’un collège de chanoine par l’évêque d’Avranches dès le viie siècle, le choix de saint Michel comme saint protecteur de l’empire par Charlemagne, puis les donations de Rollon pour restaurer la collégiale et enfin sa conversion en abbaye bénédictine en 966 par une communauté de moines issue des abbayes de Saint-Wandrille, de Jumièges et de Saint-Taurin d’Évreux, toutes situées en Normandie, indiquent clairement l’appartenance permanente du Mont à la sphère d’influence de l’église franque puis normande, distinctes de l’église bretonne, ce qui rend la question de la localisation géographique exacte plutôt secondaire. La limite officielle entre la Bretagne et la Normandie est désormais fixée indépendamment de la localisation d’un cours d’eau – et précisément à 4 km à l’ouest, au pied du massif de Saint-Broladre.

Il faut noter que l’hypothèse d’une divagation importante du Couesnon est parfaitement cohérente et vraisemblable, tant les lits des cours d’eau pouvaient varier, en l’absence de toute canalisation – et parfois de plusieurs dizaines de kilomètres. Le fait que l’embouchure du Couesnon se trouvait à 6 km du rocher au xviiie siècle n’apporte aucune information sur sa position au fil des siècles précédents – la topographie rend même inévitable qu’il ait bougé régulièrement. En revanche, aucun texte n’atteste qu’il ait basculé d’un côté du mont Saint-Michel à l’autre.